avenue DULUTH
Origine
Anciennement
1er décembre 1890
rue Saint-Jean-Baptiste
Données historiques
Daniel Greysolon, sieur du Lhut (aussi épelé Dulhut et Duluth) (1639-1710), coureur de bois et explorateur. Il pénétra jusqu'au Minnesota actuel (où une ville porte son nom) et alla plus loin dans l'Ouest qu'aucun blanc ne l'avait fait avant lui.
Il est intéressant de noter que sur la rue Saint-Sulpice, près de la rue Notre-Dame en face du parvis de l'église, nous voyons une plaque posée par J.-Ovide Gravel sur laquelle est écrit: «En 1675, Daniel Greysolon, sieur DuLhut, gendarme de la garde du Roi, explorateur et coureur de bois, vécut ici et mourut à Montréal en 1710».
Source : LA VILLE DE MONTRÉAL. Les rues de Montréal-Répertoire historique. Montréal, Méridien, 1995, 547 p

Description sommaire de la voie
Balade en Été 2009Rue à sens unique de direction "Est-Ouest", trés joliment pavée, bordée de nombreux restaurants, commerces et boutiques d'artisans elle n'en demeure pas moins une rue résidentielle.Cliquez sur l'image pour balader dans la rues.
 
Un quartier populaire
Pendant une bonne partie du 19e siècle, le plateau Mont-Royal est constitué de fermes et de petits villages, dont le village Saint-Jean-Baptiste, un hameau paisible situé entre la rue Sherbrooke au sud et la rue Saint-Jean-Baptiste au nord. Il ne reste en souvenir de ce village, que l'école et l'église du même nom. En 1890, la rue Saint-Jean-Baptiste change de nom. Elle devient la rue Duluth, en mémoire de Daniel Greysolon sieur du Lhut (1639-1710), premier Européen à avoir exploré la source du fleuve Mississippi. Dans cette région se trouve aujourd'hui la ville de Duluth, Minnesota, dont le nom commémore, tout comme notre rue, le même personnage.
À partir du début du 20e siècle, de plus en plus d'émigrants débarquent à Montréal et plusieurs s'installent sur la rue St-Laurent et les rues avoisinantes. C'est ainsi que le tissu social du paisible village Saint-Jean-Baptiste se transforme. Le village, annexé à la Ville de Montréal en 1886, se fond dans un quartier peuplé progressivement d'immigrants juifs provenant de l'Europe de l'Est. Leur histoire a fait l'objet de nombreux récits, dont les romans de Mordecai Richler et un livre intitulé "Les Juifs de Montréal" de Joe King (traduit de l'anglais par Pierre Anctil et publié en 2002 par les Éditions Carte Blanche). Voir aussi "Peintres Juifs de Montréal - Témoins de leur époque 1930-1948" de Esther Trépanier, publié en 2008 par Les éditions de l'Homme.
Le quartier devient ainsi populaire mais dynamique et coloré, avec une haute densité de population. En raison de cette transformation, la rue Duluth change de vocation. Alors qu'elle était auparavant surtout une rue résidentielle, elle devient une des rues principales du quartier juif de Montréal.
Deux institutions très importantes pour la communauté juive s'y trouvent:
- La première, l'école Peretz Schula, construite en 1942, (la photo prise en 1942 au début de la construction a été rendue disponible grâce aux archives du Congrès juif canadien). Cette école se trouvait au120 est, rue Duluth.
- La deuxième, la synagogue Beth Jehuda (aussi épelée Beth Yehuda), construite entre 1913 et 1926, est située au 214 est. Dans un texte par Sheldon Levitt, Lynn Milstone et Sid Tenenbaum, Shuls - a study of canadian synagogue architecture - synagogues of Quebec and the Maritime provinces [non publié, archivé au Congrès juif canadien], nous trouvons les renseignements suivants au sujet de cette synagogue : Mr. Fainer fondly describes the synagogue as being " … the most gorgeous thing. " Architect Eliasoph recalls that the building was patterned after the Romanesque design of the B'nai Jacob. Downstairs there had been a small hall which was used as the chapel. Upstairs, measuring 50' wide by 90' long, was the sanctuary proper. There was a mezzanine level, running along the back, used as a women's gallery. A special feature of the building was the use of coloured glass in windows and a magnificent glass dome. … The height from the top floor to the top of the dome is forty feet.
Voir aussi "Information on the former Beth Yehuda at 210 Duluth" par Sara Ferdman Tauben
Bien que l'édifice ait cessé d'être utilisée comme synagogue en 1960 et qu'aujourd'hui, on peut difficilement deviner à quelles fins il a déjà servi, l'édifice demeure une présence imposante sur la rue Duluth. La photo, prise sur la rue Hôtel-de-Ville tout probablement en 1946, d'une jeune résidente du quartier, Leona Polger, avec la synagogue en arrière plan, permet de constater l'ampleur de l'édifice par rapport aux édifices environnants (photo rendue disponible grâce aux archives du Congrès juif canadien).
Auteur : AC Grenon (2008)
En plus de ces deux institutions, plusieurs commerces y ont pignon sur rue, dont Mollie au 68 est, qui fait la joie des enfants avec ses " comics " et ses bonbons, ainsi que le mystérieux magasin de M. Philipp Gillman, au 4050, rue Coloniale, coin Duluth. Ce commerce, qui remonte au moins jusqu'en 1944, lors de l'achat de l'immeuble par M. Gillman père, un immigré juif ukrainien, était en quelque sorte un magasin général. Le commerce est longtemps demeuré dans un état d'abandon et les passants sur la rue Duluth pouvaient entrevoir à l'intérieur un décor des années 50. Sur la porte étaient apposées l'image de M. Peanut de la société Planters ainsi que les mentions suivantes :
P. Gillman - Spécialités PLANTERS - papeterie, bonbons, corde, etc. P. Gillman - PLANTERS biggest name in peanuts -stationery, candy, twine, etc.
Un magasin Général de jadis en chromolithographie de Edmond J. Massicotte en 1925  Musée du QuébecL'ancien commerce de M. Gillman, devenu Fuchsia épicerie fleurs, dans sa nouvelle incarnation est maintenant la propriété de Binky Holloran. Il a fait l'objet de divers écrits, dont les suivants :
- Marc Antoine Godin, " Le dernier magasin général "dans La Presse :
- Susan Semenak, " The shop where time stopped ", in The Gazette :
À partir des années 50 et 60, la communauté juive commence à abandonner le quartier car, au fur et à mesure que les membres de la deuxième génération améliorent leurs niveaux de vie, ils quittent le quartier de leur enfance, comme d'autres émigrants l'ont fait avant eux. L'immeuble abritant la synagogue Beth Jehuda devient un immeuble à logements. Aujourd'hui, les seuls vestiges de la synagogue se trouvent au grenier, où il est encore possible d'admirer le plafond en plâtre et les fenêtres aux motifs de l'étoile de David. Malheureusement, en raison des exigences de la Ville de Montréal, les propriétaires actuels furent contraints, en 1992, de boucher une énorme et très belle fenêtre à l'arrière de l'édifice, dans laquelle se trouvait ce même motif. Quant à Peretz Schula, l'école se déplace vers l'ouest en 1950 mais l'immeuble continue à abriter des enfants durant la période où la Garderie Duluth y est située. Aujourd'hui, la Maison de l'amitié occupe l'immeuble.
Avec le départ de la communauté juive, la rue Duluth doit se trouver une nouvelle vocation. De plus en plus d'immigrants, dont la majorité viennent du Portugal, s'installent progressivement dans le quartier et certains ouvrent des commerces sur la rue Duluth, dont la Boulangerie Stella Estrella au 22 est, ainsi que l'épicerie Soares & Fils au 130 est, fondée par M. Julio Soares en 1970. Fatima, la fille de Julia et de Mesquita Soares et la petite-fille de Julio, a passé sa jeunesse sur la rue Duluth. En outre, elle se souvient avec plaisir du magasin Mollie où elle achetait parfois des bonbons à l'insu de sa mère, rendant ainsi son plaisir plus vif! C'est aussi durant cette période, en 1968, qu'Apollo Stamoulis, un immigrant venu de la Grèce, ouvre la Buanderie Duluth au 106 est.
Durant les années 70, la rue Duluth est en pleine transition et c'est alors que les artisans l'investissent. En 1979, Françoise arrive sur la rue Duluth juste à temps pour le premier festival piétonnier. Parmi les nombreux commerces d'artisans qui s'établissent sur la rue à cette époque, Françoise se souvient des suivants :
- Clair obscure (abat jours en soie peinte) au 367 est, Duluth
- Atelier Mandala (vitraux) au 351 est (aujourd'hui le restaurant Le vieux Duluth, le premier de ceux qui portent le même nom et qui ont essaimé à travers le Québec)
- Galerie Boutique Métamorphose inc. au 4012 St-Denis, coin Duluth (aujourd'hui l'opticien George Laoun)
- Barricades mystérieuses (fabrication d'objets en cuir et de bijoux) au 4051 de Bullion (aujourd'hui une boutique d'antiquités portant le même nom)
- Le ruminant vert (le premier restaurant végétarien à Montréal)
- Roger Landreville (ébéniste) au 10 ouest
- Restaurant Santropol au 3990 de la rue St-Urbain, coin Duluth
- La Source (centre de thérapies style Californien) au 4051 de la rue St-André, coin Duluth
- Oiseau Tonnerre (souliers et sandales de marche) au 501 est, Duluth
- Filoseille (vêtements pour enfants sur mesure) au 259 est
- Les folles alliées (aujourd'hui situé sur la rue Mont-Royale est) au coin Duluth et St-Hubert
- Orobindo (antiquaires) au coin Duluth et Rivard
Puisque la rue était auparavant une rue résidentielle et qu'elle le demeure toujours en quelque sorte (les commerces étant interdits aux étages supérieurs), l'ambiance vers la fin des années 70 et au début des années 80 est très particulière. Selon Françoise, il y a une effervescence incroyable. Les artisans ont choisi la rue Duluth parce les loyers ne sont pas très chers. Plusieurs habitent sur la rue, en plus d'y tenir boutiques et ateliers. Ces artisans sont en grande partie des autodidactes très créatifs. Ils et elles se connaissent, s'encouragent et s'entraident. Françoise dit : " C'était comme un chemin de croix - on allait de boutique en boutique ". C'est d'ailleurs durant cette période que Françoise, qui est maître verrier, établit son commerce au 257 est, rue Duluth pour ensuite installer définitivement son atelier et sa boutique, La Pierre de Lune au 230 est, rue Duluth, coin Laval.
Françoise raconte qu'il y avait alors un bar et café clandestin dans une résidence de la rue Duluth, entre les rues Mentana et St-André. C'était le lieu de rencontre des artisans et des résidants du quartier jusqu'au jour où le bar fait l'objet d'une descente policière. Françoise, qui sirotait tranquillement un café au moment de la descente, s'est donc fait pincée et elle s'est retrouvée, avec tous les autres clients et (sans doute) les tenants du bar, au poste de police. Elle a été relâchée quelques heures plus tard sans faire l'objet d'accusation!
Outre les boutiques d'artisans, il y avait aussi des commerces plus anciens. Au coin de la rue Hôtel-de-Ville et Duluth (201 est), se trouvait une merveilleuse quincaillerie très ancienne avec des tiroirs en bois qui montaient du plancher au plafond, où il était encore possible d'acheter des clous et des vis en vrac. Plus loin, au 546 est, se trouvait la Quincaillerie Jean Daoust établie durant les années 30. Il y avait aussi une taverne au 4015, St-Hubert, coin Duluth, qui était alors le repaire de Plume Latraverse. Cette taverne existe toujours et porte le nom Inspecteur Épingle.
Il ne faut pas oublier que, depuis le 19e siècle, la rue Duluth est un des seuls artères à relier les deux principaux " poumons verts " du quartier, soit le Parc Lafontaine et le Parc du Mont-Royal. D'ailleurs, jusqu'aux années 80, un tunnel sous l'Avenue du Parc permettait de passer de la rue Duluth au Parc du Mont-Royal. Selon Françoise, la facilité d'accès au Parc du Mont-Royal est une des raisons qui auraient mené la gent de la rue Duluth à instaurer la tradition des " tams-tams " du dimanche au Parc du Mont-Royal, devant le monument Georges-Étienne-Cartier.
Françoise se remémore aussi avec plaisir les amuseurs publics qui se trouvaient sur la rue ainsi qu'un ancien lutteur très coloré , Ti-Kid Montmagny, qui se tenait, entre autres endroits, au dépanneur situé au coin sud-ouest des rues Duluth et Drolet.
Malheureusement, la spéculation immobilière qui a frappé le Plateau Mont-Royal à partir du milieu des années 80 n'épargne pas la rue Duluth. Des immeubles à vocation résidentielle sont transformés illégalement en commerces et les prix ne cessent d'augmenter. Bien que les résidents contestent et qu'ils réussissent, du moins en partie, à freiner le développement à outrance, les loyers modiques prennent fin et plusieurs boutiques ferment leurs portes. Parmi les commerces mentionnés ci-haut, il en reste cependant encore, dont l'atelier d'ébéniste de Roger Landreville, le restaurant Santropol, la Buanderie Duluth, la Boulangerie Estrella, l'épicerie Soares & Fils, La Pierre de Lune, Inspecteur Épingle et l'Oiseau Tonnerre. Par contre, en avril 2008, après 70 ans d'existence, la Quincaillerie Jean Daoust ferme ses portes, privant ainsi la rue Duluth de sa dernière quincaillerie. Un écriteau sur la porte indique tout simplement " La quincaillerie est maintenant fermée. Merci à tous les clients qui nous ont encouragés durant ses 70 ans d'existence. "
C'est ainsi que de nouveaux commerces prennent la place de ceux qui disparaissent. Aujourd'hui, la rue Duluth est reconnue entre autres pour ses nombreux restaurants, dont plusieurs ont adopté la formule "Apportez votre vin ". Parmi les restaurants dont la gastronomie est excellente, voire renommée, il faut mentionner La Prunelle au 327 est, coin Drolet; le restaurant de Martin Picard, le Pied de cochon au 536 est, rue Duluth; et La Colombe au 554 est, coin St-Hubert.
Nul ne peut prédire quelle sera la prochaine incarnation de la rue Duluth mais il est certain qu'elle demeurera un artère dynamique et qu'elle continuera à jouer un rôle important, tant pour les gens qui vivent dans le quartier que pour les non-résidents qui la fréquentent.
Auteur : AC Grenon (2008)
 
Adresses d'intérêt patrimonial
Ancienne école Peretz Schula
À l'angle de Duluth et Hôtel de Ville était située, il y a plus de 110 ans, la synagogue Beth Jehuda. Abandonnée comme lieu de culte à la fin des années 1950, elle a été convertie en appartements par la suite. Sa structure imposante, entièrement intacte, domine encore les petits commerces de la rue Duluth.
Ancienne quincaillerie Jean Daoust
Iconographie
Fiche sur l'ancienne synagogue Beth Jehuda
Ancienne quincaillerie Jean Daoust
Ancien magasin Gillman
Construction en 1942 de l'école Peretz Schula
Mis à jour le : 19-feb-15
© 2007 SHP - Société d'Histoire du Plateau-Mont-Royal