L'ancien
commerce de M. Gillman, devenu
Fuchsia
épicerie fleurs, dans sa nouvelle incarnation est
maintenant la propriété de Binky Holloran. Il
a fait l'objet de divers écrits, dont les suivants :
- Marc Antoine Godin, "
Le
dernier magasin général "dans La Presse
:
- Susan Semenak, "
The
shop where time stopped ", in The Gazette :
À partir des années 50 et 60, la communauté
juive commence à abandonner le quartier car, au fur et
à mesure que les membres de la deuxième génération
améliorent leurs niveaux de vie, ils quittent le quartier
de leur enfance, comme d'autres émigrants l'ont fait
avant eux. L'immeuble abritant la synagogue Beth Jehuda devient
un immeuble à logements. Aujourd'hui, les seuls
vestiges
de la synagogue se trouvent au grenier, où il est
encore possible d'admirer le plafond en plâtre et les
fenêtres aux motifs de l'étoile de David. Malheureusement,
en raison des exigences de la Ville de Montréal, les
propriétaires actuels furent contraints, en 1992, de
boucher une énorme et très belle fenêtre
à l'arrière de l'édifice, dans laquelle
se trouvait ce même motif. Quant à Peretz Schula,
l'école se déplace vers l'ouest en 1950 mais l'immeuble
continue à abriter des enfants durant la période
où la Garderie Duluth y est située. Aujourd'hui,
la Maison de l'amitié occupe l'immeuble.
Avec le départ de la communauté juive, la rue
Duluth doit se trouver une nouvelle vocation. De plus en plus
d'immigrants, dont la majorité viennent du Portugal,
s'installent progressivement dans le quartier et certains ouvrent
des commerces sur la rue Duluth, dont la Boulangerie Stella
Estrella au 22 est, ainsi que l'épicerie Soares &
Fils au 130 est, fondée par M. Julio Soares en 1970.
Fatima, la fille de Julia et de Mesquita Soares et la petite-fille
de Julio, a passé sa jeunesse sur la rue Duluth. En outre,
elle se souvient avec plaisir du magasin Mollie où elle
achetait parfois des bonbons à l'insu de sa mère,
rendant ainsi son plaisir plus vif! C'est aussi durant cette
période, en 1968, qu'Apollo Stamoulis, un immigrant venu
de la Grèce, ouvre la Buanderie Duluth au 106 est.
Durant les années 70, la rue Duluth est en pleine transition
et c'est alors que les artisans l'investissent. En 1979, Françoise
arrive sur la rue Duluth juste à temps pour le premier
festival piétonnier. Parmi les nombreux commerces d'artisans
qui s'établissent sur la rue à cette époque,
Françoise se souvient des suivants :
- Clair obscure (abat jours en soie peinte) au 367 est, Duluth
- Atelier Mandala (vitraux) au 351 est (aujourd'hui le restaurant
Le vieux Duluth, le premier de ceux qui portent le même
nom et qui ont essaimé à travers le Québec)
- Galerie Boutique Métamorphose inc. au 4012 St-Denis,
coin Duluth (aujourd'hui l'opticien George Laoun)
- Barricades mystérieuses (fabrication d'objets en cuir
et de bijoux) au 4051 de Bullion (aujourd'hui une boutique d'antiquités
portant le même nom)
- Le ruminant vert (le premier restaurant végétarien
à Montréal)
- Roger Landreville (ébéniste) au 10 ouest
- Restaurant Santropol au 3990 de la rue St-Urbain, coin Duluth
- La Source (centre de thérapies style Californien) au
4051 de la rue St-André, coin Duluth
- Oiseau Tonnerre (souliers et sandales de marche) au 501 est,
Duluth
- Filoseille (vêtements pour enfants sur mesure) au 259
est
- Les folles alliées (aujourd'hui situé sur la
rue Mont-Royale est) au coin Duluth et St-Hubert
- Orobindo (antiquaires) au coin Duluth et Rivard
Puisque la rue était auparavant une rue résidentielle
et qu'elle le demeure toujours en quelque sorte (les commerces
étant interdits aux étages supérieurs),
l'ambiance vers la fin des années 70 et au début
des années 80 est très particulière. Selon
Françoise, il y a une effervescence incroyable. Les artisans
ont choisi la rue Duluth parce les loyers ne sont pas très
chers. Plusieurs habitent sur la rue, en plus d'y tenir boutiques
et ateliers. Ces artisans sont en grande partie des autodidactes
très créatifs. Ils et elles se connaissent, s'encouragent
et s'entraident. Françoise dit : " C'était
comme un chemin de croix - on allait de boutique en boutique
". C'est d'ailleurs durant cette période que Françoise,
qui est maître verrier, établit son commerce au
257 est, rue Duluth pour ensuite installer définitivement
son atelier et sa boutique, La Pierre de Lune au 230 est, rue
Duluth, coin Laval.
Françoise raconte qu'il y avait alors un bar et café
clandestin dans une résidence de la rue Duluth, entre
les rues Mentana et St-André. C'était le lieu
de rencontre des artisans et des résidants du quartier
jusqu'au jour où le bar fait l'objet d'une descente policière.
Françoise, qui sirotait tranquillement un café
au moment de la descente, s'est donc fait pincée et elle
s'est retrouvée, avec tous les autres clients et (sans
doute) les tenants du bar, au poste de police. Elle a été
relâchée quelques heures plus tard sans faire l'objet
d'accusation!
Outre les boutiques d'artisans, il y avait aussi des commerces
plus anciens. Au coin de la rue Hôtel-de-Ville et Duluth
(201 est), se trouvait une merveilleuse quincaillerie très
ancienne avec des tiroirs en bois qui montaient du plancher
au plafond, où il était encore possible d'acheter
des clous et des vis en vrac. Plus loin, au 546 est, se trouvait
la Quincaillerie Jean Daoust établie durant les années
30. Il y avait aussi une taverne au 4015, St-Hubert, coin Duluth,
qui était alors le repaire de Plume Latraverse. Cette
taverne existe toujours et porte le nom Inspecteur Épingle.
Il ne faut pas oublier que, depuis le 19e siècle, la
rue Duluth est un des seuls artères à relier les
deux principaux " poumons verts " du quartier, soit
le Parc Lafontaine et le Parc du Mont-Royal. D'ailleurs, jusqu'aux
années 80, un tunnel sous l'Avenue du Parc permettait
de passer de la rue Duluth au Parc du Mont-Royal. Selon Françoise,
la facilité d'accès au Parc du Mont-Royal est
une des raisons qui auraient mené la gent de la rue Duluth
à instaurer la tradition des " tams-tams "
du dimanche au Parc du Mont-Royal, devant le monument Georges-Étienne-Cartier.
Françoise se remémore aussi avec plaisir les amuseurs
publics qui se trouvaient sur la rue ainsi qu'un ancien lutteur
très coloré , Ti-Kid Montmagny, qui se tenait,
entre autres endroits, au dépanneur situé au coin
sud-ouest des rues Duluth et Drolet.
Malheureusement, la spéculation immobilière qui
a frappé le Plateau Mont-Royal à partir du milieu
des années 80 n'épargne pas la rue Duluth. Des
immeubles à vocation résidentielle sont transformés
illégalement en commerces et les prix ne cessent d'augmenter.
Bien que les résidents contestent et qu'ils réussissent,
du moins en partie, à freiner le développement
à outrance, les loyers modiques prennent fin et plusieurs
boutiques ferment leurs portes. Parmi les commerces mentionnés
ci-haut, il en reste cependant encore, dont l'atelier d'ébéniste
de Roger Landreville, le restaurant Santropol, la Buanderie
Duluth, la Boulangerie Estrella, l'épicerie Soares &
Fils, La Pierre de Lune, Inspecteur Épingle et l'Oiseau
Tonnerre. Par contre, en avril 2008, après 70 ans d'existence,
la Quincaillerie
Jean Daoust ferme ses portes, privant ainsi la rue Duluth
de sa dernière quincaillerie. Un écriteau sur
la porte indique tout simplement " La quincaillerie est
maintenant fermée. Merci à tous les clients qui
nous ont encouragés durant ses 70 ans d'existence. "
C'est ainsi que de nouveaux commerces prennent la place de ceux
qui disparaissent. Aujourd'hui, la rue Duluth est reconnue entre
autres pour ses nombreux restaurants, dont plusieurs ont adopté
la formule "Apportez votre vin ". Parmi les restaurants
dont la gastronomie est excellente, voire renommée, il
faut mentionner La Prunelle au 327 est, coin Drolet; le restaurant
de Martin Picard, le Pied de cochon au 536 est, rue Duluth;
et La Colombe au 554 est, coin St-Hubert.
Nul ne peut prédire quelle sera la prochaine incarnation
de la rue Duluth mais il est certain qu'elle demeurera un artère
dynamique et qu'elle continuera à jouer un rôle
important, tant pour les gens qui vivent dans le quartier que
pour les non-résidents qui la fréquentent.